Quand les résidents de l’Etang décident de changer d’air

Lundi 6 Juin :

14h – Nous sommes toutes les 6, Sylvie et Valérie et les 4 résidentes de l’Etang : Mme M Mme B Mme D et moi-même chargée de la rédaction de ce journal de bord. Nous sommes équipées de pied en cap : tenue de vacances c’est-à-dire lunettes de soleil, chapeaux, casquettes. Malgré la température un peu fraîche et le temps « pourri » de ces derniers jours, il règne déjà dans le hall comme un « souffle estival » de bon augure. Les hommes de l’équipe, Stad l’AMP aux fonctions multiples et Valentin notre dévoué infirmier, se sont chargés de tout ce qu’il fallait pour assurer l’intendance et croyez moi ce n’est pas rien ! Tout a été pensé, calculé, préparé avec précision pour que notre séjour se déroule au mieux.

Nous démarrons avec les encouragements et les sourires de certains membres du personnel qui, malgré leurs sourires de façade, sont un peu inquiets car c’est une grande première à La Filandière : « les résidents partent en vacances ! ». Le minibus fut affrété pour les fauteuils roulants, les gabarits un tantinet « potelés » ; je bénéficie d’un chauffeur particulier dans la kangoo de fonction, laissant les « parents » sur le parvis ! Ca me rappelle les départs en colonie que j’encadrais quand j’étais jeune et les dernières recommandations prodiguées.

Nous arrivons à destination sous le soleil, attendus et bien accueillis. Nous prenons possession du très beau gîte bien agencé pour les personnes à mobilité réduite, décoré avec beaucoup de goût et disposant de tout le matériel nécessaire pour notre confort et notre bien-être.

Après la répartition des chambres que je partage avec Mme M prénommée « Agnès » pour les intimes, Mme D avec Mme B, chacun déballe ses affaires et prend possession des lieux attribués.

Après une pause goûter, les discussions s’enchainent. Munie d’une ardoise, j’y prends part comme je peux, faisant de gros efforts pour y participer afin de ne pas me sentir exclue ! Mais il est déjà l’heure de préparer le diner, et en ce qui me concerne c’est déjà l’heure de mon « alimentation » que mon « ange gardien » prépare avec tout le professionnalisme qui le caractérise. Ca dure 3 heures, et tout le monde ressent la fatigue : l’air de la mer? Changements d’habitudes ?… Tout le monde se couche et s’endort rapidement.

Mardi 7 Juin :

Matin : Nous nous réveillons vers 9h, après une nuit paisible et un sommeil réparateur et « ronflant » d’après ceux chargés de veiller sur nous ! Après les soins, je pars au village de Sassetot-le-Mauconduit avec Valentin. C’est une jolie bourgade campagnarde très bien fleurie. A notre retour, il est déjà l’heure de préparer le repas de midi ; pendant que tout le monde déjeune j’en profite pour m’éclipser discrètement et je commence à rédiger le journal de bord.

L’après-midi : Direction Fécamp, où nous visitons émerveillés « le palais de la Bénédictine ». Chaque salle nous révèle tant de beautés, sculptures, objets divers. (Pour les détails de la visite, voir le dépliant explicatif !).   La visite se termine au « bar du palais » par une dégustation payante avec le choix d’une des variétés de bénédictine. Après la proposition de la barmaid s’adressant à moi « Et pour Madame qu’est ce que ce sera ? », mes 4 anges gardiens répondent en chœur _ « NON RIEN » _ « Un jus de fruit alors ? » _ « NON RIEN !! ». Elle doit me prendre pour une « alcoolique en sevrage »… Encore quelque chose que j’aime bien qui me passe sous le nez !

Après cette visite « instructive et alcoolisée », une promenade en bord de mer nous est proposée. Le temps est très agréable, brise légère, beau soleil, nous longeons la digue au son du clapotis des vagues. Plusieurs familles se promènent avec petits-enfants, chiens ; certains courent pour « maintenir la forme ». Un groupe de jeunes s’exerce en VTT à des circonvolutions acrobatiques, en prenant bien soin d’éviter le « convoi exceptionnel » que nous formons avec nos 4 fauteuils roulants,…puis « pause cigarette » pour certains et discussions à bâtons rompus pour d’autres (moi j’écoute). Nous sommes détendus, pas stressés pour un rond. Nous profitons de l’instant présent et de la chance qui nous est donnée de pouvoir le vivre ! Et soudain, dans mon mutisme, il me revient ces vers de Lamartine (tirés des « Contemplations ») appris quand j’étais jeune :

« Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours ! »

Tout comme, en longeant le port, me revient en mémoire un souvenir d’enfance qui a marqué ma vie à jamais : C’est à Fécamp que j’ai appris à nager. En effet, ma mère catalane habituée à la Méditerranée, effrayée par les vagues de la Manche, m’avait inscrite dans une école de natation située dans l’arrière-port. Et à la fin des vacances j’ai obtenu mon 1^er diplôme de natation et ma 1^ère médaille « 600m (sans arrêt) départ plongée ». Je n’étais pas peu fière et je m’en souviens comme si c’était hier. C’était en 1950, j’étais une petite fille de 10 ans. Ces chers souvenirs remontent à la surface…c’est le cas de le dire !!

Mercredi 8 Juin :

Nous prenons déjà des rythmes de vacances et nous levons de plus en plus tard. Etant « branchée à l’alimentation » depuis 6h du matin, je suis bien obligée d’attendre et comme chaque fois je scrute avec impatience que le compteur affiche 500 pour être « délivrée ». Une bonne odeur de café et des viennoiseries appétissantes m’accueillent dans la cuisine, mais n’étant pas concernée, je fais semblant de ne pas les voir. Après avoir salué tout le monde je m’éclipse prendre ma douche.

Au programme ce matin : le marché de Veules les Roses ! Comme si nous avions un mois de vacances devant nous (hélas non !), le temps de faire la route, de trouver une place pour se garer, il est midi passé. Les maraichers rangent déjà leurs étals, ce qui au fond m’arrange bien car ça va m’éviter de contempler de loin tous ces poulets embrochés et croustillants,… la vue de saucissons et jambons de campagne, avec l’immanquable assiette de dégustation offerte aux chalands de passage ! Nous nous dirigeons alors vers la plage afin que nous profitions de l’air marin pour oxygéner nos poumons. Après cette petite escapade maritime, il est déjà l’heure de rentrer au gîte préparer le repas, certaines dames ayant l’estomac dans les talons… Je m’éclipse donc et continue la rédaction du journal de bord.

Il fait un temps magnifique, ciel bleu, soleil ; nous décidons à l’unanimité d’un après-midi de farniente. Et nous voilà équipées pour affronter « l’été » car dans nos têtes et nos cœurs c’est déjà les vacances ! Casquettes, lunettes de soleil, crème protectrice, que demander de mieux ? D’autant que de confortables transats nous incitent à une « sieste estivale ». Pour ma part, je m’abandonne à ma première séance de « bronzage » (après avoir retroussé mes manches, t-shirt et bermuda compris) et j’éprouve avec un plaisir non dissimulé la chaude caresse du soleil. Mais en vacances (même courtes) les heures passent trop vite ! Et le programme de cette (hélas !) dernière soirée est chargé. Se souvenant des veillées de colonies de vacances, mais surtout de sa pratique professionnelle (éducatrice spécialisée), Hélène S a prévu une animation, à savoir un jeu mettant à contribution S et V, ayant pour but d’amuser les spectateurs en l’occurrence les résidentes, Sylvie (qui filme en vidéo) et Valérie. Après ce jeu réussi, Stad propose un barbecue. En ce qui me concerne, il est déjà l’heure de mettre en route « l’alimentation » et c’est mon dévoué infirmier Valentin qui a l’idée de génie de me « brancher » sur la terrasse pour me permettre de me mêler à toute l’équipe. C’est ainsi que je peux prendre part à l’ambiance festive du barbecue campagnard tout en joignant l’utile à l’agréable ! Un bonheur tout simple auquel je suis très sensible.

Jeudi 9 Juin :

C’est déjà le jour du retour. Nous devons rendre le gîte à 10h30. Chacun s’affaire à remettre tout en ordre, ranger ses affaires. Et en route pour la Filandière où nous arrivons à midi comme prévu, toujours sous le soleil. Un repas, pris dans la salle de Ménibus, rassemble une dernière fois la « fine équipe vacancière », et la direction vient s’enquérir de nos premières impressions et de notre bonne forme. J’ai soudain envie de reprendre l’expression que mon petit fils Elliott me sert à toutes les sauces, que pour une fois je fais mienne et qui résume tout : « C’ETAIT TROP BIEN ! ».

Au moment de conclure ce journal de bord, quitte à me répéter, je tiens à remercier la direction et l’ensemble du personnel qui ont tout mis en œuvre pour que cette expérience innovante et ce séjour se déroule le mieux possible. Il faut savoir que lors d’un entretien avec Yvane, j’avais lancé l’idée : « Et si nous pouvions partir quelques jours en vacances ? Faire un break avec la Filandière ? ». Ces questions ont été reprises lors des réunions de quartier avec certains résidents de l’Etang et insidieusement au fil du temps, ce projet s’est mis en place et vit le jour ! Un grand merci tout particulièrement à Stad, Valentin, Sylvie et Valérie, qui ont encadré ce séjour, donné de leur personne et qui n’ont pas ménagé leur pleine !

Je me permets d’être la porte parole des 4 résidentes que je représente. En conclusion de ce journal de bord, nous avons été enchantées du séjour. C’est une expérience enrichissante nous permettant de tisser des liens « dans un autre contexte » hors les murs de la Filandière.

Hélène SAUTEREAU TORRETON.